Refusant tout prosélytisme de mauvais aloi, il vit, dans le mépris complet de sa sécurité et de sa santé, un don total de soi qui fait tache d’huile, éveille des dévouements multiples et héroïques et mène un grand nombre à trouver le Christ. Le général Tang Hwai-yuan en fait le «père» de sa division. Continuant à mener au front la vie monastique avec ses frères, amenant les populations paysannes, jusque-là étrangères à tout engagement patriotique, à collaborer avec l’armée, luttant contre toutes les formes de défaitisme, organisant l’aide aux réfugiés, Vincent Lei et les siens apparaissent bientôt, au dire du commandant en chef de la IIIème armée, comme les «colonnes spirituelles» de la patrie. S’étant jeté, comme en 1916, dans un combat où, pour lui, le bon droit de la Chine ne fait pas de doute, Vincent Lebbe souffre beaucoup de la neutralité que le Saint-Siège, sous la pression japonaise, prescrit aux missions de Chine, d’autant plus que certaines de ces missions ne cachent pas leur sympathie pour l’envahisseur. De son côté, le généralissime Tchang Kai-shek pense confier à ce petit homme qui mène la lutte avec tant d’énergie et d’abnégation, des fonctions de nature à accroître son rayonnement. En septembre 1938, le président le charge de fonder et de diriger le «Tu-tao t’wan» ou «troupe pour guider»: il s’agit d’un corps auxiliaire destiné à susciter la conscience patriotique parmi le peuple des zones de combat en Chine du Nord. Après une tournée au Szechwan et dans le Shansi, où il recrute des volontaires, en faisant jusqu’à dix conférences par jour, et après avoir réorganisé l’ I-che-pao à partir de Chungking, Vincent Lei rejoint le Shansi, où son groupe met sur pied une série de services sociaux (scolaire, sanitaire, culturel et de secours) au profit des villages désormais mobilisés pour la résistance nationale. Pour organiser cette action derrière les lignes japonaises, il se rend à l’automne 1939 dans le sud du Hopei. Mais les communistes qui, jusqu’à ce moment, avaient uni leurs forces à celles de la Chine nationaliste, au point qu’une collaboration assez étroite entre eux et le groupe du Père Lebbe s’était instaurée au début de l’année précédente, entendent maintenant mener seuls et à leur manière la lutte populaire en Chine du Nord. Dans ses conférences, le Père Lebbe commence à stigmatiser durement leurs méthodes d’action. Le 9 mars 1940, il est fait prisonnier par les Palous (armée communiste) avec quelques Frères et plusieurs membres de son organisation; il le restera jusqu’au 17 avril 1940. Déjà très atteint dans sa santé, il doit subir l’épreuve morale des séances de rééducation, avant que Tchang Kai-shek n’obtienne sa libération sous la menace d’une intervention armée. D’abord soigné à Loyang, Vincent Lebbe est transporté à Chungking, la capitale de guerre, où il meurt le 24 juin 1940, en la fête de saint Jean Baptiste, patron des Petits Frères, celle aussi du bienheureux Perboyre, qui lui avait inspiré le désir d’être missionnaire en Chine et de donner sa vie pour le peuple chinois.