En 1907 était paru l’ouvrage du chanoine français Léon Joly, Le Christianisme et l’Extrême-Orient, qui était une analyse critique de l’histoire missionnaire. La lecture du livre inspire dès 1908 à Vincent Lebbe la double conviction que la constitution d’un épiscopat chinois, objectif constamment différé depuis le XVIIème siècle, ne pouvait plus souffrir de nouveaux délais et que, pour le réaliser, le Saint-Siège devait se faire représenter en Chine d’une manière directe, sans l’intermédiaire du protectorat de la France. Monseigneur Jarlin, en véritable apôtre, admirait le mouvement de Tientsin. Mais l’activité ardente et multiforme de son missionnaire lui inspirait bien des craintes: créer des écoles pour élever le niveau des chrétiens chinois, comme Vincent Lebbe le souhaitait depuis 1905, n’était-ce pas jouer un rôle social et culturel qui ne concernait pas l’Église et distraire des ressources jugées indispensables à l’évangélisation de masse qui se montrait si prometteuse? Prendre l’initiative d’une presse catholique comme le Père Lebbe le faisait depuis 1912, alors que son premier hebdomadaire rayonnait au-delà du territoire lazariste et allait inévitablement s’engager sur le terrain politique, n’était-ce pas compromettre les missions? Et surtout la prise en main de la cause chinoise dont Lei Ming-yuan («le tonnerre qui chante au loin»; c’est désormais le nom chinois de Vincent Lebbe) se faisait le protagoniste inconditionnel, n’allait-elle pas indisposer la diplomatie française qui représentait, aux yeux du prélat, le soutien le plus sûr des missions? En 1912, la région de Tientsin devient vicariat apostolique, et le nouvel évêque, Mgr Dumond, choisit le Père Lebbe comme vicaire général. Reconnaissant que le mérite du mouvement déclenché dans sa circonscription revient à l’ancien directeur du district, le prélat laisse d’abord à celui-ci les coudées franches.