À cette époque, les missions catholiques en Chine jouissent du protectorat diplomatique de la France, qui, en les mettant à l’abri des exactions, leur assure une position privilégiée. En outre, les fortes indemnités réclamées suite aux massacres de missionnaires et de chrétiens perpétrés pendant la guerre des Boxers, et obtenues du gouvernement impérial, favorisent, en tout cas dans les villages de la Chine du Nord où oeuvrent les Lazaristes, une stratégie de baptêmes en masse dans laquelle les avantages matériels jouent un grand rôle. Aux yeux de la population chinoise, qui vit toujours repliée sur elle-même, et surtout aux yeux de ses milieux dirigeants, un tel système renforce le caractère étranger du christianisme et marginalise ceux qui deviennent chrétiens. Déjà heurté aux escales par le mépris des Européens pour les autres peuples, Vincent Lebbe éprouve dès son arrivée en Chine le sentiment que, dans l’affaire des Boxers, «99 pour cent des torts sont du côté des Européens» et que la situation fausse de l’Église fait des chrétiens chinois des «étrangers du dedans». Il s’en ouvre loyalement à son évêque, qui estime que ces impressions généreuses d’un jeune inexpérimenté s’atténueront avec le temps.